Great Goyesque
June Papineau
Vernissage le jeudi 6 mars de 18h00 à 21h00
Lorsque June Papineau se retrouve face à un peuplier noir déraciné depuis longtemps, elle est envoûtée par les ténébreuses figures anthropomorphiques et bestiales qui surgissent dans son imaginaire. Physionomies troublantes, à la fois violentes, dérangeantes, mais aussi étrangement compatissantes, comme dans les «peintures noires» que Goya, vieux, sourd et isolé, a réalisé sur les murs de sa demeure, la Quinta del Sordo.
Ce vieux peuplier noir gisait en pleine forêt alluviale avec tout le pathos d’un guerrier de l’Iliade tombé sur le champ de bataille. Sa cime, une magnifique couronne de branches nouées sur un tronc qui, auparavant l’élevait tout droit au ciel, se retrouvait à ses pieds. Saisie de compassion, l’artiste a voulu lui rendre hommage comme un masque funéraire qui confère une pérennité aux défunts par-delà la mort. June Papineau étale d’abord une glaise blanche de porcelaine sur l’écorce, puis fixe la forme en superposant de petits morceaux de gaze trempés dans un mélange de colles. Au fil de trois mois de travail in situ, elle lui redonne une seconde peau, et fige ainsi pour l’éternité la couronne érodée de ce peuplier noir, membre d’un lignage condamné à la disparition, faute d’un habitat adéquat. Après ce long processus, l’artiste a pu retirer cette «peau d’arbre», dont la souplesse inattendue envoûte le spectateur.
Le titre donné à cette pièce, The Great Goyesque, renvoie notamment à la gravure de Goya «Grande Hazaña ! Con muertos !» de la série «Désastres de la guerre» où les corps masculins, démembrés mais anoblis d’une beauté classique, sont ligotés aux limbes d’un vieil arbre altéré par le temps. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les ténèbres végétales auxquelles June Papineau a été confrontée dans ce marais ont été instinctivement ressenties comme goyesques, puisque dans l’antiquité, l’endroit où poussaient les peupliers noirs était considéré comme le seuil d’entrée au monde des ombres, à la demeure de Perséphone, déesse de l’enfer.
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